ARTICLES ÉTATS D’ÂME  •  02 juin 2018

Le pire et… le pire des formations à l’écriture en ligne

Le web pullule de formations à l’écriture en tout genre qui vous font miroiter, à force de mots savants parfois, qu’elles vont révéler votre génie ignoré, vous permettre d’écrire votre roman facilement, ou votre scénario, et que vous allez même devenir écrivain dans l’année ! Non : l’écrivain de l’année !

Tout cela grâce à quelques techniques prêtes à l’emploi que les grands auteurs gardaient jalousement cachées jusque-là et qui vous seront révélées pour peu que vous ouvriez votre portemonnaie.

Nombre de ces formations, dont certaines ont pignon sur rue ou paient cher les AdsWords de Google pour s’afficher en première page, sont en réalité d’une valeur pour le moins discutable.

Mais comment, lorsque l’on ne connait rien à l’apprentissage de l’écriture, savoir distinguer une bonne formation d’une mauvaise ? La question est pertinente. L’aspirant auteur, l’aspirant scénariste, s’y perd et choisit souvent, par dépit, la vitrine la plus illuminée…

Pourtant, comme nous allons le voir, il n’est pas si difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. Voici quatre points décisifs, quatre questions simples à se poser, qui vont vous permettre d’y voir plus clair, d’éviter la pléthore d’épiceries dramaturgiques et de choisir la formation correspondant le mieux à vos aspirations et vos attentes.

Ces quatre points correspondent aux questions que vous devez vous poser pour estimer un atelier découvert sur le web. Notez que vous pouvez tout autant vous les poser pour les ateliers « en dur » qui, malheureusement, sont trop souvent animés par des auteurs (de vrais parfois) en mal de droits d’auteur qui ne se soucient que très peu de votre talent.

Exprimons d’abord ces points en quelques mots avant de les aborder en détail :

Premier point : les propositions aguicheuses

C’est un premier point qui peut paraitre trivial, mais faites appel à votre bon sens et vous vous éviterez bien des déconvenues. Les ateliers, ceux qui tiennent plus de l’épicerie que du véritable lieu d’apprentissage, utilisent plusieurs techniques d’harponnage en plus des habituelles promotions propres au monde du commerce :

Vous faire croire que c’est facile…

… et qu’en connaissant les techniques qu’on va vous apprendre, tout ne restera que plaisir. Écoutez plutôt votre bon sens : il vous dira que si l’écriture était facile, s’il existait des techniques miracles, alors tout le monde y réussirait sans problème. Non, écrire est un plaisir, mais écrire est difficile et le restera toujours.

Vous laisser croire qu’il existe des secrets…

… secrets bien entendu savamment cachés, et qu’on va vous révéler si vous payez.

Sachez-le : il n’existe aucun secret, ou plutôt si : tous ceux qui existent ont été divulgués depuis Aristote et on peut les trouver gratuitement un peu partout, à commencer par les citations des auteurs, toujours riches d’enseignement.

Flirter avec vos fantasmes, flatter votre ego…

… et vous dire que non seulement vous avez du talent — c’est tellement facile… — mais qu’en plus on sait parfaitement comment le révéler, à vous et au monde.

Avouez-le, à l’arrière de votre Ford intérieure (sic), ce sont exactement les mots que vous avez envie d’entendre… Ne vous laissez pas endormir ou aveugler par des compliments qui flattent votre ego, tentez de rester le seul juge de votre valeur, même si vous n’en avez qu’un vague sentiment.

Une bonne formation n’est pas là pour vous caresser dans le sens du poil, elle est là pour vous encourager, certes, pour vous soutenir, certes, mais cela dans le seul but de vous rendre capable d’affronter la réalité et de surmonter les difficultés.

Vous proposer des choses impossibles…

… comme réaliser la bible de série de vos rêves. C’est une mode assez récente (en 2018, à l’heure où j’écris ces lignes) que je pourrais appeler le « syndrome NetFlix » : aujourd’hui, avec l’avènement des séries télévisées et leur réussite, tout aspirant auteur rêve d’écrire la sienne. Les ateliers miracles y ont vu un hameçon puissant et vous proposent d’apprendre à développer et vendre à coup sûr votre propre bible de série.

Mais si le responsable de ladite formation était animé de bonnes intentions, s’était honnête, il ne vous ferait pas perdre votre argent et votre temps en vous faisant miroiter quelque chose d’impossible : une série, en France, ne peut être proposée et conçue que par des auteur(e)s chevronné(e)s et déjà bien connu(e)s des différentes chaines (aujourd’hui, ce sont même les scénaristes américains et autres showrunners qui profitent de cette manne française). Il n’existe aucune exception et le système fait qu’aucune exception n’est possible.

Donc, si un site vous propose de vendre votre série, passez votre chemin : c’est simplement du vol.

Ne sont pas visées ici, évidemment, les formations qui vous proposent de développer une bible, à titre d’apprentissage, tout en vous informant clairement de la réalité du système, en précisant que c’est simplement à titre d’intérêt personnel que vous pouvez vous rompre à cet exercice stimulant. C’est le cas notamment à mon atelier Icare, dont ce sera la seule publicité ici, car ça n’est pas le but détourné de cet article).

Deuxième point : un savoir efficace pour le pédagogue lui-même

Voilà un deuxième point tout à fait objectif et facilement vérifiable. On aura beau dire, s’il ne faut pas être un génie dans la pratique de son art pour exceller dans son enseignement, il faut néanmoins être capable d’être produit ou publié pour prétendre apprendre l’écriture à d’autres personnes.

Disons-le encore plus clairement : un soi-disant pédagogue qui n’aurait jamais publié de romans (à compte d’éditeur— puisque n’importe qui peut publier à compte d’auteur), qui n’aurait jamais écrit de scénarios achetés et tournés, divulgue de fait un enseignement qui n’a aucune légitimité réelle, quand bien même ce pédagogue serait bardé de diplômes. Son enseignement aurait quelconque valeur, le pseudo-pédagogue qui le divulgue aurait pu se l’appliquer à lui-même et produire si ce n’est une œuvre géniale tout au moins une œuvre acceptable, susceptible d’être commercialisée (surtout en France, où de nombreux ouvrages sont publiés et où le niveau télévisuel est particulièrement faible).

Il s’agit même d’une question de principe : le minimum que puisse faire moralement un pédagogue est de se prouver à lui-même que son enseignement peut porter ses fruits.

Certains faux pédagogues sont assez malins pour dire qu’ils ne sont pas intéressés par la publication, ils vous en dresseront une image noire et sordide, ils vous diront que leur talent n’a jamais pu être reconnu pour x raisons, ils sauront dresser des raisons dans lesquelles vous pourrez même vous reconnaitre. En vérité, il s’agit seulement là de ronds de jambe pour justifier le fait qu’ils n’ont jamais pu convaincre par leur travail et les conseils qu’ils veulent pourtant vous vendre.

D’autres n’hésiteront pas à mentir ou à grossir le moindre de leur fait, n’hésiteront pas à prétendre que leur première œuvre est sur le point d’être éditée. Ne soyez pas naïf et vérifiez simplement l’information (l’internet a tout changé à ce niveau et les charlatans sont vite démasqués si l’on sait se servir de cette source inépuisable de données).

Troisième point : la réussite des auteurs ayant suivi la formation

Voilà un autre point ne faisant intervenir aucune subjectivité. Je dirais même que ce devrait être le point le plus déterminant pour l’aspirant auteur.

Qu’ont réussi concrètement les apprentis auteurs qui ont suivi l’enseignement pendant ou après leur formation ?

S’il est évident que 100 % des apprentis-auteur(e)s ne peuvent pas devenir auteur(e)s — par manque de talent ou plus souvent par manque d’efforts — il n’en demeure pas moins qu’une formation sérieuse doit pouvoir produire des auteur(e)s professionnel(le)s et des projets qui auront abouti de façon professionnelle (“professionnel” n’est pas un gros mot ici, c’est seulement le gage et le témoignage d’une certaine qualité et d’un certain savoir-faire).

Si la formation ne propose aucune liste de réussites réelles, c’est-à-dire une liste disant explicitement ce qu’ont pu réussir les apprentis-auteur(e)s après ou pendant leur formation, avec des liens corroborant ces informations, alors passez votre chemin : les responsables de ces formations tiennent plus des marchands de tapis que des pédagogues — vous constaterez d’ailleurs, s’ils indiquent leur cursus personnel, qu’ils ou elles ont souvent suivi une formation journalistique ou commerciale, donc plus proche de la vente que de l’écriture narrative.

Si cette liste est proposée, alors sachez lire entre les lignes : une publication à compte d’auteur ou une publication sur un blog, sur un site quelconque, n’a aucune valeur en soi (n’importe qui peut s’auto-éditer à peu de frais aujourd’hui, ça n’est gage d’aucune valeur). De la même manière, le fait d’être soi-disant sur le point d’être lu par telle ou telle célébrité, acteur en vogue, grand réalisateur… n’a aucune valeur concrète (n’importe qui peut envoyer son scénario à Christopher Nolan et prétendre que le réalisateur est en train de le lire…).

Donc attention à l’ivraie qu’on voudrait vous faire prendre pour du bon grain. Seules comptent les vraies publications, celles à compte d’éditeur pour les romans et les nouvelles, et seules comptent les signatures de projets pour le cinéma ou la TV, ou mieux encore les films réalisés au sein d’une vraie maison de production.

Attention enfin à ne pas se laisser abuser par les “témoignages écrits” d’anciens stagiaires, toujours très élogieux. D’abord, rien ne prouve qu’ils ne soient pas inventés de toutes pièces par les épiciers eux-mêmes…

Ensuite et surtout, vous seriez le pire des pédagogues, vous trouveriez toujours quelqu’un qui apprécierait votre façon de mal enseigner. D’autant que les pseudos-pédagogues comprennent vite qu’il suffit de flatter un ego pour devenir à ses yeux un incroyable, un merveilleux, un clairvoyant pédagogue !

Quatrième point : les outils annexes

On s’imagine souvent que les pseudos-gourous proposent leur savoir par passion. Il n’en est rien pour la plupart d’entre eux et il existe un moyen très simple de le mesurer : si la formation propose de nombreuses annexes, cours, exemples, etc., cela témoigne d’une véritable vocation pour la transmission du savoir.

Si au contraire le site ne propose qu’un gros bouton « Achetez cette formation ! », « Promotion ! Apprenez à écrire un high-concept pour quelques euros ! » — ou tout autre dérivé plus alléchant (par exemple le fait de vous faire recevoir un conseil d’écriture par semaine si vous laissez votre adresse mail — moyen ingénieux pour obtenir votre email, n’est-ce pas ? ;-)), alors soyez assuré(e) que la pédagogie, la transmission du savoir, ne sont pas au cœur des préoccupations du responsable de ladite formation. Vous vous apprêtez à entrer dans une merveilleuse épicerie dramaturgique.

Le tarif

Précisons, pour terminer, que le tarif est aussi un indicateur, mais pas dans le sens où l’on pourrait se l’imaginer. Il est aisé de gonfler artificiellement ses prix pour faire croire en la valeur de sa formation.

En vérité, il faut comprendre le tarif de cette manière : plus il est élevé et plus il révèle l’intérêt des formateurs pour la rentabilité financière de leur entreprise, là aussi plus proche de l’épicerie que de la véritable formation. De prestigieux noms l’ont déjà compris. De grandes maisons d’éditions, Gallimard par exemple pour ne pas en citer, profitent de leur notoriété pour taper allègrement dans votre portemonnaie (pour un résultat sans garantie, ils sont les premiers à le dire pour se dédouaner et se protéger).

Conclusion

Nous espérons que ces quatre points vous permettront désormais d’y voir plus clair et de ne pas vous laisser abuser par les chants des sirènes et les mirages en tout genre.

En matière de formation à l’écriture, un auteur averti en vaut deux.

À titre d’exemple — et pour ne pas prêcher seulement pour notre propre chapelle qui s’efforce de respecter une certaine déontologie —, voici un site discret, sobre, qui propose pour les amoureux de l’écriture littéraire une formation qui répond parfaitement aux prescriptions que nous venons d’exposer : il s’agit des formations de Régine Detambel (*)

(*) Pour nous prémunir contre les réflexions malveillantes, je voudrais préciser que je ne connais pas personnellement cette auteur-pédagoque et que je ne suis donc pas en train de sponsoriser une connaissance personnelle…

Il ne nous reste plus à présent qu’à vous souhaiter de trouver, grâce à ces conseils, chaussures à votre pied. Et que ces chaussures vous emmènent le plus loin et le plus sûrement possibles vers la réalisation concrète de tous vos projets à venir !